Vendredi dernier, la communauté scientifique francilienne avait rendez-vous à la faculté de médecine de Paris Saclay (Hôpital de Bicêtre) pour la 1ère Journée Scientifique ITAC. Les chercheurs financés par la Région Île-de-France, dans le cadre du DIM ITAC, y ont présenté leurs projets.
Lors de cette journée dédiée à la recherche sur l’immunothérapie, le cancer et les maladies auto-immunes, les intervenant.e.s nous ont fait découvrir leurs recherches empreintes d’innovation au travers d’un programme riche et varié. Un large panel de thématiques a été discuté, montrant la pluralité des projets soutenus ; dont le but commun est d’apporter des solutions pour améliorer les traitements des personnes atteintes de maladies auto-immunes et/ou de cancers.
La recherche s’appuie depuis toujours sur l’utilisation de nombreux modèles in-vitro et animaux pour étudier les maladies, en comprendre les mécanismes, afin de trouver des traitements efficaces. Ces dernières années de nouveaux modèles innovants de culture cellulaire ont vu le jour qui permettent de reproduire, à l’échelle de la boite de pétri, la complexité d’organes ou de tumeurs.
Negaar Goudarzi (Inserm U1184, Université Paris Saclay, CEA) a présenté son travail de thèse sur l’optimisation d’organoïdes dérivés du cancer pour l’étude du syndrome de Sjögren, une maladie auto-immune induite par l’immunothérapie anti-cancéreuse. Cette pathologie touche les glandes salivaires, entrainant une sécheresse buccale chez les patients. A partir de biopsies, elle a développé des organoïdes de glandes salivaires fonctionnelles ou mimant la pathologie. En introduisant des cellules immunitaires dans ce système, elle évaluera les interactions entre les glandes salivaires et l’environnement immunitaire. Ces modèles permettront également de tester de nouveaux traitements plus ciblés.
Notre microbiote influe sur de nombreux aspects de notre santé. Des études ont notamment montré que la composition en bactérie du microbiote intestinal peut influer sur la réponse aux immunothérapies administrées pour traiter les cancers. Le projet présenté par Patricia Lepage (UMR1319, INRAE), consiste à créer au laboratoire, des « avatars » de microbiote de patients atteints de mélanomes métastatiques, pour modéliser les interactions entre le microbiote, l’environnement tumoral et la réponse aux immunothérapies. La finalité de ce projet est de proposer une thérapie de modulation microbienne personnalisée, pour améliorer la réponse à l’immunothérapie, via la transplantation de microbiote fécale.
Le projet MELAVATAR, présenté par Samad Mohammadnezhaddaryani (Inserm U981, Gustave Roussy), consiste en la création d’une collection d’échantillons biologiques (tumeurs et prélèvements sanguins) de patients atteints de mélanome sous immunothérapie. Ces biopsies sont utilisées pour développer différents modèles ex-vivo, permettant l’étude de la relation entre les tumeurs et leur microenvironnement.
Anne-Laure Grindel (BioMaps, U1281, CEA) a présenté la technique d’imagerie médicale de radiomarquage en immuno-TEP (Tomographie par Emission de Positrons) développée au sein de son laboratoire. Cette technique non-invasive permet à l’aide de ligands spécifiques radiomarqués de visualiser et quantifier sur l’ensemble du corps l’expression de marqueurs biologiques. Avec cette technologie, l’équipe a évalué la biodistribution d’immunothérapies (inhibiteurs de points de contrôle immunitaire PD-L1 et CTLA-4), injectées par voie intraveineuse ou intra-tumorale. Les résultats indiquent que la voie intratumorale réduit l’exposition des organes sains au traitement, tout en induisant une réponse thérapeutique équivalente à la voie intraveineuse. Cette technique va permettre de prédire plus précisément l’efficacité des immunothérapies et ainsi personnaliser les thérapies à chaque patient, pour une meilleure efficacité.
Mehdi Touat (Inserm UMRS 1127, Institut du Cerveau) a par la suite discuté des fonctionnalités du microscope confocale à haut débit Celldiscoverer 7 de ZEISS, acquis par son laboratoire grâce au financement du DIM ITAC. Ce microscope permet d’obtenir une imagerie automatisée de haute qualité en champ large (fluorescence et champ clair) et confocale, d’échantillons fixés ou vivants. Ce microscope présente de nombreuses applications, notamment l’étude des interactions entre les cellules immunitaires et tumorales dans des modèles de tumeurs cérébrales.
Marianne Burbage (Inserm U932, Institut Curie) s’intéresse aux antigènes dérivant de régions du génome non codées en conditions normales, mais qui s’activent pendant le processus d’oncogenèse. Ces antigènes dits « sombres » pourraient représenter de nouvelles cibles thérapeutiques. Le projet qu’elle porte consiste à analyser ces antigènes pour comprendre s’ils sont reconnus ou non par le système immunitaire comme du « soi » et pouvoir ainsi sélectionner de potentielles cibles thérapeutiques.
Le travail mené par Marie-Laure Arcangeli (Inserm UMR 1170, Gustave Roussy) porte sur les voies de signalisation impliquées dans l’activation des cellules souches hématopoïétiques (CSH) conduisant à la production des cellules sanguines lors d’épisode de stress. Une dérégulation de ce phénomène d’activation peut conduire à l’épuisement des CSH et au développement d’une leucémie. Son équipe a pu identifier une voie de signalisation, liée au stress génotoxique, comme boucle thérapeutique potentielle à cibler dans la leucémie myéloïde aigue.
Les néoplasmes myéloprolifératifs classiques BCR ABL-négatifs (NMP) sont des cancers des cellules sanguines, causées par des mutations acquises au niveau des cellules souches hématopoïétiques. Ces mutations vont entrainer une surproduction de cellules myéloïdes dans le sang. L’équipe d’Isabelle Plo (Inserm U1287, Gustave Roussy), en collaboration avec Incyte, a développé un anticorps capable d’inhiber de façon spécifique, la voie de signalisation impliquée dans ce processus oncogénique, sans toucher aux cellules saines. Les études menées in vitro et sur modèle animal pointe cet anticorps comme nouvelle thérapie ciblée contre ce type de cancer.
L’immunothérapie corrige un dysfonctionnement du système immunitaire qui fonctionne trop dans les maladies auto-immunes et pas assez dans certains cancers. Mais parfois, l’immunothérapie peut dépasser son but et avoir des effets délétères. Certains patients vont développer des effets indésirables d’origine immunologique (irAE), ciblant différents organes.
Samuel Bitoun (Inserm U1184, ImVA-HB, CEA) s’intéresse aux effets indésirables induits par les immunothérapies anti-cancéreuses, entrainants l’apparition de troubles rhumatologiques chez les patients (myalgie, arthrite rhumatoïde). Le projet présenté consiste à évaluer dans la cohorte de patients MSK TOX, la toxicité induite par ces traitements ainsi que l’impact de la corticothérapie sur le passage à la chronicité des pathologies rhumatologiques. Cette cohorte MSK TOX est composée de patients suivis conjointement à Gustave Roussy pour leur cancer et dans le service de Rhumatologie de l’Hôpital Bicêtre pour leur maladie auto-immune. L’accès aux données médicales des patients se fera depuis la base de données interopérable ITAC, développée par Coexya dans le cadre du projet structurant du DIM.
Les CAR-T cells représente une innovation thérapeutique. Ces lymphocytes T, issus du patient sont modifiés en laboratoire, pour cibler et détruire spécifiquement les cellules tumorales, puis réinjectés aux patients. Là aussi, des toxicités, parfois sévères, peuvent apparaitre au niveau hématologique. Le travail mené par Camille Bigenwald et son équipe (Inserm U1015, Gustave Roussy) s’attache à comprendre les mécanismes à l’origine de cette toxicité. Leurs données indiquent notamment que le nombre de CAR-T cells retrouvées dans la moelle osseuse corrèlent avec la sévérité de la toxicité hématologique. Une meilleure compréhension de ces mécanismes permettra de développer des thérapies pouvant prévenir ce type de toxicité.
Merci aux intervenant.e.s qui, au travers de leur présentation et des discussions, ont montré l’importance pour ces domaines de recherche de se réunir, pour approfondir notre compréhension des mécanismes complexes mis en jeu et conduire à l’émergence de traitements innovants plus ciblés.