Une étude récemment publiée par l’équipe du Pr Eric Tartour (PARCC, Hôpital Européen Georges Pompidou), en collaboration avec des équipes de l’hôpital Saint-Louis, dans la revue EMBO Molecular Medicine[i], suggère qu’un taux plasmatique élevé de CD27 soluble (sCD27) est prédictif d’une efficacité moindre de l’immunothérapie anti-PD1, dans le mélanome métastatique.
L’arrivée des immunothérapies a changé la donne dans la prise en charge des cancers. Ces traitements ciblent spécifiquement le système immunitaire pour le stimuler, afin qu’il combatte efficacement les cellules cancéreuses.
Dans le mélanome, un cancer touchant les cellules de la peau, différentes immunothérapies sont utilisées, seules ou en combinaison. Parmi elles, on retrouve les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire[ii], comme l’anti-PD1 ou l’anti CTLA4. Malheureusement, il arrive parfois que des résistances à ces traitements apparaissent. Afin de pouvoir traiter efficacement les patients, il est important de comprendre les mécanismes en jeu et d’identifier des marqueurs biologiques prédictifs de l’efficacité des immunothérapies.
Interaction CD27-CD70 en condition physiologique et pathologique
Les cellules immunitaires expriment de nombreuses molécules à leur surface, nécessaire à leur bon fonctionnement et qui leur permettent de communiquer entre elles. Parmi ces molécules, le CD70 est une molécule de co-stimulation exprimées par les cellules présentatrice d’antigène qui interagit avec le CD27 exprimé à la surface des lymphocytes T naïfs. Cette interaction joue un rôle important dans la fonctionnalité des lymphocytes T, en permettant une meilleure activation et survie des cellules, ainsi que l’acquisition d’un phénotype mémoire.
En situation pathologique dans un contexte d’interaction chronique, celle-ci a des conséquences délétères. L’équipe du Pr Tartour a mis en évidence, dans le cancer rénal, que l’interaction entre le CD70, exprimé ici par les cellules cancéreuses, et le CD27 conduisait à la mort des lymphocytes T et au clivage de la molécule CD27, qui est relarguée sous forme soluble (sCD27) dans le plasma. Les analyses ont également montré qu’un taux élevé de CD27 soluble dans le plasma était associé à une résistance à l’immunothérapie anti-PD1[iii].
Le CD27 soluble, un marqueur prédictif de résistance au traitement
Au vu des résultats obtenus dans le cancer du rein, la question s’est posée de savoir si ces données pouvaient être étendues au mélanome qui exprime également le CD70. Pour y répondre, les équipes de recherche ont analysé les données issues de deux cohortes observationnelles prospectives de patients avec mélanome métastatique.
Les analyses histologiques menées sur des biopsies de patients montrent que le microenvironnement tumoral se compose de cellules stromales exprimant le CD70 et d’infiltrat de lymphocytes T exprimant le CD27. Comme pour les cancers rénaux, le CD27 est plus fortement exprimé par les lymphocytes CD8 avec un phénotype « épuisé ».
Concernant la forme soluble de CD27, les résultats indiquent que les patients avec des taux élevés de sCD27 réagissent moins bien au traitement anti-PD-1 en termes de survie globale, de survie sans progression et de rémission complète à 12 mois. Par contre, ce marqueur soluble n’est pas associée à la résistance à la combinaison thérapeutique anti-PD-1 et anti-CTLA-4.
Les données présentées mettent en lumière de nouvelles pistes à suivre pour améliorer la prise en charge des patients. La recherche du marqueur sCD27 plasmatique pourrait être étendue en clinique à d’autres types de cancer qui expriment le CD70, pour guider la décision du choix des traitements à administrer, pour une efficacité optimale. De même, un ciblage thérapeutique de l’axe CD70-CD27 visant à le bloquer pourraient permettre de réactiver les lymphocytes T au sein de la tumeur, pour qu’ils détruisent les cellules cancéreuses.
Cette recherche a été soutenue par la Région Île-de-France (DIM ITAC), l’Institut National du Cancer (Grant PRTK) et l’Agence Nationale de la Recherche (PC SI 2021).
[i] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/40148586/
[ii] Le rôle des points de contrôle immunitaire est de réguler la réponse du système immunitaire, avec pour but d’empêcher une réponse immunitaire trop forte qui détruirait les cellules saines de l’organisme. Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires agissent en empêchant l’envoi du signal « d’arrêt », permettant ainsi aux lymphocytes T de tuer les cellules cancéreuses.
[iii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36067339/
